La face cachée de la crise…

Des effigies de pendus, c’est une tradition dans l’histoire de la contestation depuis la Révolution française. L’an passé, celles du président de la République étaient courantes lors des manifestations contre la réforme des retraites. Mais les effigies des paysans en souffrance pendues sur les passerelles des autoroutes, comme pour rappeler la surmortalité par suicide des agriculteurs (l’une des plus élevée avec les vétérinaires) est d’une autre nature. Elle témoigne d’un mal-être qui va bien au-delà des inégalités sociales et territoriales, des tracasseries administratives, de la pression de la grande distribution, des contradictions des consommateurs ou des incohérences des politiques.

Les troubles psychologiques liées au mal-être, – L’Express en a d’ailleurs fait sa couverture cette semaine dans une perspective plutôt rassurante grâce aux innovations thérapeutiques -, concerneraient un Français sur cinq. Les campagnes n’échappent pas à ces maux du temps présent. Mais si, en milieu rural, ils sont sensiblement les mêmes (burn-out, dépression, angoisse climatique…), ils sont exacerbés par l’isolement, les difficultés d’accès aux soins, le sentiment profond d’un manque de reconnaissance, à travers entre autres le faible montant des retraites, et des situations de précarité plus cachées.

Le magazine Le Monde publiait la semaine passée une enquête « Le psy est dans le pré », montrant une explosion de demandes de nouveaux patients, en particulier des jeunes (depuis la pandémie de Covid), et des plus âgés du fait des difficultés de transmission, dans un milieu jusqu’alors peu propice à fréquenter les cabinets de psychothérapeutes. « Il faut toujours prétendre qu’on va bien, témoigne une psychologue installée dans une bourg rural, se montrer fort, sans quoi cela peut être interprété négativement. Même la maladie très grave est vue comme une preuve de faiblesse dont il ne faudrait pas parler. » Alors les psychologues s’adaptent, cultivant plus qu’en ville les stratégies de discrétion, notamment par les consultations à domicile.