La démocratie aux champs !

De Marx à Balzac, bien des intellectuels, et encore aujourd’hui, considèrent les paysans comme des arriérés, des réactionnaires, rétifs aux Droits de l’Homme. Dans son livre La démocratie aux champs (1) Joëlle Zask, philosophe, va à contre-courant de ces clichés. « Cet essai, écrit-elle, a pour ambition de montrer que ce qui est progressivement devenu notre idéal de liberté démocratique ne vient en priorité ni de l’usine ni des Lumières ni du commerce, de la ville ou du cosmopolitisme, mais de la ferme ». L’auteure s’appuie sur de nombreux exemples : du Jardin d’Eden aux AMAP, en passant par la naissance de la démocratie américaine. Ainsi Thomas Jefferson, troisième président des Etats-Unis, considérait que la base sociale de la démocratie était formée par les paysans indépendants et la ferme comme une « petite république ».

Dès le Moyen-Age, les paysans ont su s’organiser pour s’entraider et, à la fin du XIXème siècle, ils ont adhéré aux valeurs du mutualisme et de la coopération. Ils ont tenté (souvent sans succès) de s’opposer à l’arbitraire des gouvernements : de la lutte contre les enclosures au Royaume Uni aux combats des paysans sans terre au Brésil, en passant par ces ouvriers kolkhoziens qui, sous Staline, produisaient sur leurs modestes lopins de terre (3 % des surfaces) le tiers de la production agricole de l’Union soviétique.

Pour Joëlle Zask, cultiver la terre c’est établir un équilibre : l’assister mais ne pas la forcer, c’est dialoguer avec la nature, être attentif, calculer, anticiper, coopérer, partager…, bref apprendre la démocratie. L’auteure considère le jardinage comme une forme d’éducation par l’expérience favorisant les pratiques de la citoyenneté et cite de nombreux exemples : des jardins ouvriers aux jardins partagés, des jardins de réinsertion sociale aux jardins thérapeutiques en passant par le développement de l’agriculture urbaine.  Voltaire ne nous conseillait-il pas de « cultiver notre jardin ! »

(1)   La démocratie aux champs –  Joëlle Zask – Les empêcheurs de penser en rond/ La Découverte – 18,50 € – 2016