Et si les animaux écrivaient ?

Si écrire, c’est laisser une trace qui signifie quelque chose, alors l’écriture n’est pas l’apanage des seuls humains, pensait le philosophe Michel Serres. Vinciane Despret, philosophe des sciences et psychologue, proche du penseur Bruno Latour, récemment disparu, et passionnée d’éthologie (la science du comportement des animaux) le croit aussi. Dans de nombreux ouvrages, de Hans le cheval qui savait compter à Autobiographie d’un poulpe, elle nous offre un autre regard sur la gente animale, loin des clichés sur leur supposée agressivité naturelle.

Dans Et si les animaux écrivaient ?, texte d’une conférence (publiée par Bayard, dans sa collection Les petites conférences), elle nous décrit ces abeilles qui, par la danse, indiquent à leurs compagnes où trouver de la nourriture, ces rats qui en se frottant sur les parois cartographient et mémorisent leurs parcours, ces chiens qui déposent au pied des arbres et des réverbères des sortes de Post-it odorants qui donnent beaucoup d’informations, ces oiseaux qui chantent et dansent sur leur territoire comme pour le délimiter de manière artistique, ou ces mammifères qui, tout en se cachant de peur des prédateurs, laissent des traces (branches arrachées, empreintes de pattes, choses déplacées…) pour dire : « Vous ne voyez pas, mais je suis là ». « Cela raconte quantité de choses, des humeurs, des passions, des signatures, mais aussi peut-être des histoires », reconnaît Vinciane Despret que, nous humains, illettrés en écriture animale ne savons pas décrypter.

Depuis Konrad Lorenz et ses oies sauvages, le rapport à l’animal a bien changé et pourtant, comme le note le Fonds mondial pour la nature – WWF, cette semaine, le déclin de la faune se poursuit au rythme d’un pour cent par an. Depuis 1970, oiseaux, amphibiens, reptiles, mammifères… ont perdu 69 % de leurs populations dans le monde. Il y a 60 ans, presque jour pour jour, la biologiste marine américaine, Rachel Carlson, fille de paysans de Pennsylvanie, publiait Le Printemps silencieux, dénonçant la disparition de la faune animale. Un best-seller vendu à deux millions d’exemplaires à travers le monde, dans les années qui ont suivi sa parution aux Etats-Unis, et qui sera en grande partie à l’origine des mouvements de défense de l’environnement.