Tous responsables !

La semaine passée, Le Monde titrait en une « Enquête sur le désarroi du monde agricole », tandis que, dans Le 1, Edouard Bergeon, le réalisateur de Au nom de la terre dénonçait l’agribashing. Cet anglicisme qui signifie dénigrement systématique des agriculteurs, n’est pas très adapté à la situation, car les sondages montrent qu’une grande majorité des Français continuent d’accorder leur confiance à leurs agriculteurs. Faut-il y voir le reflet déformant des médias, qui, dans la course à l’audimat, ont tendance à mettre en exergue les positions les plus extrêmes ? Et ne parlons pas de la surenchère des réseaux sociaux dans la provocation et l’incitation à la haine ! Certes le bashing traverse l’ensemble de la société, des institutions aux religions, des politiques aux médias, mais il touche d’autant plus violemment ce monde agricole, qu’il vit une grave crise d’identité après avoir connu les mutations les plus considérables.

De cette situation, nous sommes tous responsables, des pouvoirs publics aux consommateurs qui veulent à la fois des prix bas et des produits de qualité. L’erreur est de pointer du doigt les agriculteurs, à qui l’on reproche d’avoir répondu à la demande de modernité de la société. Qui plus est le monde urbain, de plus en plus déconnecté des réalités campagnardes, semble croire qu’on peut changer de modèle d’un coup de baguette magique. Or il faut du temps et un accompagnement financier… Le contribuable est-il prêt à payer plus d’impôt pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement ? Le consommateur est-il prêt à payer plus cher sa nourriture ? Les pouvoirs publics sont-ils prêts à proposer un nouveau pacte agricole, alimentaire et environnemental, de même ampleur que celui engagé par Pisani dans les années 60 ? Et la profession agricole est-elle prête à mieux communiquer avec la société, comme avaient su le faire les jeunes agriculteurs de la révolution silencieuse ? Dans ce contexte, pas sûr que le choix de la victimisation soit la meilleure façon de répondre à cette impérieuse nécessité de dialogue entre rats des villes et rats des champs.