La ratification du Traité de Rome en 1957 qui ouvre la voie à la construction européenne va considérablement bouleverser l’agriculture européenne.
Dans les jours qui suivent la mise en place du Traité de Rome, le 1er janvier 1958, l’éditorialiste de la FA annonce que le journal instaure désormais une page (la dernière) à l’Europe. « C’est la page la plus importante de notre journal, écrit-il le 23/01/1958. Votre ferme est maintenant une exploitation européenne. Pensez-y et cultivez « l’esprit européen ». Il ajoutait : « Il serait vain de construire les institutions du Marché Commun sans les doter de l’esprit capable de les animer. Il n’y aura pas de Marché commun s’il n’y a pas d’esprit commun ». Ces pages perdureront pendant des décennies et, aujourd’hui l’actualité européenne est toujours largement traitée.
Dès avant la signature du Traité de Rome, la FA consacrait de nombreux articles à la construction européenne, sous la plume de Georges Bréart, économiste, chargé des questions européennes à l’APCA et collaborateur régulier du journal. Ainsi le 19/01/1951, il anticipe les enjeux de l’organisation de l’agriculture européenne : « Il y a pour les uns des sacrifices à consentir, pour les autres des avantages à partager, une confiance mutuelle à s’accorder et à mettre à l’épreuve. », insistant sur le fait que libéralisation des échanges et organisation des marchés devaient aller de pair. « Une coopération européenne par la production et la vente des produits, écrit-il, n’est pas synonyme d’une impitoyable concurrence entre des égoïsmes sacrés. »
Lors des débats sur le Marché Commun à l’Assemblée Nationale, l’éditorialiste écrit le 20/06/1957, : « Cet avenir est fatalement plein d’incertitudes et aussi de risques pour l’agriculture française comme pour le pays tout entier », insistant aussi sur la nécessité d’associer les organisations professionnelles à la préparation et à la mise en œuvre de cette PAC, selon lui, condition déterminante du succès de l’entreprise.
Les nombreux éditos et articles qui vont suivre durant la première moitié des années 1960 abordent des thèmes récurrents : les inégalités de revenus entre l’agriculture et l’industrie, la préférence communautaire (pas toujours respectée), la conquête de nouveaux débouchés, l’érosion humaine. A ce propos, Sicco Mansholt, le commissaire européen à l’agriculture, estimait en 1961 que huit millions d’agriculteurs européens devaient se préparer à quitter leurs exploitations dans les quinze prochaines années. Ce qui suscitera une vive réaction de la part de l’éditorialiste de la FA (30/3/1961) : « Même dans les milieux agricoles, il s’est trouvé des gens assez compromis pour accepter sans protester voire soutenir l’accélération de cette érosion humaine qui dépeuplait ce désert français. »