Le péché originel de la PAC

Les récents déboires diplomatiques entre la France et le Brésil remettent à l’ordre du jour la récurrente question de la dépendance de l’Europe en protéines végétales. L’on se souvient de la réaction de Georges Pompidou,  en 1973, en plein conseil des ministres, après l’embargo américain sur les exportations de soja : « Il est inacceptable qu’un peuple dépende d’un autre peuple pour son alimentation ». En fait cette question des protéines végétales est à la fois le péché originel et le nœud gordien de la PAC qui avait établi un même prix pour les céréales panifiables et fourragères. A l’époque, les Six avaient négocié avec les Etats-Unis au sein du GATT la protection du marché communautaire des céréales en échange de l’importation de produits de substitution aux céréales pour l’alimentation animale, loin de s’imaginer qu’ils leur ouvraient un boulevard. Car, marginales à l’époque, ces importations vont s’accroître considérablement avec le développement du modèle d’élevage intensif sur le Vieux Continent, autour du couple maïs-soja. Si bien que, très vite, les céréales européennes ne vont plus être compétitives, ouvrant la voie au soja, depuis des décennies, incontournable. L’Europe en importe 33 millions de tonnes chaque année. Les différents plans protéines pour reconquérir au moins partiellement ce marché n’ont pas toujours eu le succès escompté, même si la France est dans une moindre dépendance (45 %) que ses voisins.

Quant à la volonté d’Emmanuel Macron, de rétablir « une souveraineté protéinique européenne », l’histoire montre qu’elle est loin d’être acquise, du moins politiquement et diplomatiquement. Car, côté technique, les solutions existent. Notamment la luzerne, une légumineuse riche en protéines, qui évite donc l’importation de soja, limitant d’autant la déforestation de l’Amazonie. Qui plus est, elle enrichit le sol en captant l’azote, et, s’intègre pleinement dans l’air du temps (climatique), en se montrant économe en eau. Mais on ne l’évoque que trop rarement. La luzerne serait-elle moins noble à cultiver que d’autres plantes ?