L’air du temps

Après l’épisode victorieux de la Coupe du Monde, sans doute les responsables des chaînes d’information s’inquiétaient-ils de ce qu’ils allaient bien pouvoir se mettre sous la dent… Et puis survient, comme inespérée, cette affaire Benalla. Tous les ingrédients sont réunis pour nous tenir en haleine quelques semaines encore (voire plus) avec ce feuilleton à rebondissements qui mêle dysfonctionnements au plus haut niveau de l’Etat (l’Elysée) et psychologie des hommes à travers le rapport au pouvoir. Cela fait penser à cet épisode du Rainbow Warrior, qui nous avait mobilisés au creux de l’été 1985, ébranlant le sommet de l’Etat. Sauf que cette dernière affaire était bien plus grave, avec mort d’homme et répercussions diplomatiques fâcheuses, – le coulage du bateau de Greenpeace s’étant déroulé à Auckland en Nouvelle-Zélande -. Autre différence, même si c’est déjà Le Monde qui avait sorti l’affaire, le contexte médiatique est aujourd’hui bien différent, avec l’omniprésence des chaînes d’information continue. Et puis les différentes oppositions politiques trouvent dans cette affaire inespérée un bon moyen de reprendre pied.

Sans doute s’agit-il d’une affaire d’Etat par les dysfonctionnements qu’il met en évidence, mais, en même temps, c’est l’histoire d’un type qui a dérapé, qui a pris la grosse tête, dans une société de l’esbroufe qui fait prospérer ce genre de comportement. L’adresse de l’Elysée sur une carte de visite nous en met plein la vue et s’impose même au sein des plus hautes élites administratives comme le plus précieux sauf-conduit. Le mode de gouvernance jupitérien n’en est-il pas un dérivé ? D’ailleurs les deux précédents présidents de la République, qui avaient (volontairement ou involontairement) décrispé (ou décrédibilisé ?) la fonction présidentielle, Nicolas Sarkozy jouant le « bad boy » et François Hollande « le président normal », ont échoué. Au moment où la Constitution de la Cinquième République va fêter ses 60 ans, ce rapport crispé voir obséquieux au pouvoir perdure. Au fond, nous aimons cela et chérissons cette forme de monarchie républicaine !