Eloge de l’abeille

Et si l’abeille, à  travers le débat sur les néonicotinoïdes, avait été à l’origine du premier clash gouvernemental de l’ère macronienne ! Les abeilles, les ruches et leur organisation taylorienne, avec grande reine, faux bourdons et ouvrières, nous fascinent depuis l’Antiquité. Pour Virgile, les abeilles renferment une parcelle de « la Divine Intelligence », que confirmeront les travaux de l’éthologiste Karl Von Frisch nous montrant qu’elles sont capables d’apprendre et d’indiquer par la danse les sources de nourriture à  leurs congénères. Malgré un tout petit cerveau (un millimètre cube contenant 900 000 neurones, contre 100 milliards pour l’homme), elles sont capables d’élaborer des concepts abstraits et de faire preuve d’aptitudes cognitives remarquables. Domestiquées mais insoumises, elles symbolisent dans la mythologie, l’éloquence, la poésie, l’intelligence. La ruche fut un modèle politique, pour Platon, et l’industriel Godin, disciple de Charles Fourier, avait conçu son familistère comme une ruche, symbole d’un nouvel ordre social. Quant au philosophe hollandais Mandeville, il soutenait dans sa fable des abeilles, écrite en 1714, que le vice, entendu comme recherche de l’intérêt privé, était la condition de la prospérité. Credo repris depuis par des générations d’économistes libéraux. Seule insecte capable de fabriquer sa nourriture dont l’homme exploite la production, la mouche du miel, comme l’appelait le botaniste Linné, est aussi un pollinisateur qui collabore pour près d’un tiers à l’alimentation de l’humanité, soit, selon l’INRA, une contribution annuelle de 153 milliards de dollars à  notre PIB mondial. Alors leur déclin (20 à  30 % de surmortalité) dû à  la fois au dérèglement climatique, aux parasites, à l’érosion des espaces naturels et aux pesticides, ne doit pas laisser indifférent la ruche humaine. L’un de mes amis, apiculteur passionné et bon connaisseur des sociétés humaines (car longtemps cadre infirmier dans un hôpital psychiatrique) me confiait : « Ce que j’aime chez l’abeille, c’est qu’elle est un animal rationnel et pragmatique, ce qui n’est pas le cas de l’homme ! ».