Eloge de la nuance

J’ai récemment été sondé par l’institut IPSOS sur le contexte politique actuel ainsi que l’action et la personnalité du Premier ministre Jean Castex.  L’expérience est intéressante. Mais si, collectivement, les sondages permettent d’appréhender l’état de l’opinion à un moment donné, pour le sondé que je suis, il en ressort une sorte de frustration. On n’a guère le choix qu’entre être d’accord ou pas avec les assertions du sondeur. Il n’y a guère de place pour la nuance en particulier sur des thématiques complexes. C’est blanc ou noir, pas question de jouer sur les nuances de gris. Au moins les gens pétris de certitudes y trouvent-ils leur compte ! Pour ma part, je préfère le dégradé à l’uni. J’avoue mes contradictions et mes doutes, et revendique ce droit qui consiste à reconnaître qu’on n’est pas obligé d’avoir un avis sur tout. Si bien que l’entretien avec le sondeur, – que j’avais mis quelque peu dans l’embarras -, prévu pour une quinzaine de minutes a approché la demi-heure. Je ne serai sans doute pas rappelé…

En pleine écriture de ce billet, je reçois le dernier numéro de La Croix l’Hebdo avec en couverture cet appel d’une centaine de personnalités à un débat libre et respectueux lors de la campagne des présidentielles, avec notamment parmi neuf autres cet engagement : « Accepter la complexité, dire les nuances, pour ne pas s’en tenir à des oppositions frontales ». Cela me réconforte. Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Tant il est vrai que cette campagne entre les fakes news des réseaux sociaux et un système médiatique qui tend à mettre en scène les clivages les plus radicaux (et parfois les plus hystériques) pollue l’atmosphère et ne présage guère d’un dialogue apaisé. Ce qui fut beaucoup moins le cas de la campagne électorale de nos voisins allemands. Et puis cette manière de gouverner non sans humilité, de la part d’Angela Merkel, et le regard distant et nuancé de cette physicienne de formation par rapport aux décisions à prendre n’expliquent-ils pas, en partie du moins, sa longévité au poste de chancelière ?