« Il faut laisser du temps au temps », aimait à dire François Mitterrand. Depuis le temps politique s’est considérablement accéléré. Les chaînes d’information continue et les réseaux sociaux ont imposé une forme de diktat médiatique de l’immédiateté, modifiant la nature même de la politique. Au point que nous, citoyens impatients, avons tendance à attendre de nos gouvernants une réponse immédiate à des problèmes souvent complexes, oubliant ainsi le temps de la construction de la décision politique, de la délibération parlementaire, de l’acceptation citoyenne et de l’effet différé des mesures prises. Les régimes autocratiques n’ont pas ce genre de difficultés. Et concernant la guerre en Ukraine, Poutine peut envisager une stratégie sur le long terme tandis que Zelenski est dans l’urgence. Ces dernières semaines, l’on a beaucoup critiqué l’attitude indécise du chancelier allemand Olaf Scholz à propos de l’envoi de chars lourds en Ukraine, mais c’est oublier le contexte constitutionnel de l’Allemagne, avec un chancelier qui a beaucoup moins de pouvoir que le président français. Au moins doit-on reconnaître qu’une fois la décision prise, tout s’accélère…
Avec la réforme des retraites, un cas d’école dans le rapport au temps, le gouvernement a décidé d’accélérer la procédure parlementaire en faisant porter sa réforme sur un projet de loi de finances rectificative de la Sécurité sociale, réservé habituellement à des textes de bien moindre importance qu’une réforme considérée comme la plus importante du quinquennat et qui devra sceller le caractère réformateur d’une présidence pour la postérité. Quelle que soit notre position sur le fond, comment ne pas regretter les lacunes d’un semblant de dialogue social, le peu de temps réservé à la délibération parlementaire, sans parler du sens si peu pédagogique des ministres ? Bref nous avons beaucoup à apprendre notamment en matière de dialogue social et de culture du compromis de nos voisins du Nord de l’Europe. C’est au prix de dix ans de concertation, que la Finlande a pu venir à bout de sa réforme des retraites…