La solidarité européenne en berne

Un accord vient enfin d’être conclu entre l’Union européenne, le FMI et la Grèce, afin de sauver celle-ci d’une possible faillite. Mais il a fallu des semaines de tergiversations, à cause notamment de l’attitude de la chancelière allemande, confrontée à une opinion publique largement opposée à une aide aux Grecs, à l’approche d’une élection régionale difficile. Et pourtant la Grèce est la destination privilégiée des touristes allemands !

Ajoutons encore une Belgique où la guerre entre Flamands et Wallons pourrait bien se conclure par la disparition du Royaume, une Italie au sein de laquelle les partisans de la Ligue du Nord peu propices à aider une Italie du Sud moins riche sortent grands vainqueurs du dernier scrutin, et des scores des partis d’extrême droite importants aux Pays-Bas et en France… bref, la solidarité n’est plus vraiment une valeur en hausse parmi les pays fondateurs de l’Europe.

Et pourtant, le socle sur lequel s’est fondée l’Europe était la paix et la solidarité entre des nations qui s’étaient combattues pendant des siècles. « Plus jamais ça ! », se sont dits les Schuman, de Gaspari, Adenauer… Et lors des réunions préparatoires, le belge Paul Henry Spaak, chargé de présider la négociation, avait interdit aux ministres des Finances de participer aux discussions. « Non, leur avait-il dit, restez en dehors de ces discussions, parce que si vous intégrez la négociation, tout va casser ! ». Cela a donné une construction politique unique en son genre, un exemple pour les autres continents. « Le commencement de l’Europe, c’était une vue politique, mais c’était plus encore une vue morale », notait Jean Monnet dans ses Mémoires.

Depuis, on sait le poids pris dans l’Union européenne par les préoccupations financières. Les temps ont bien changé. Et la mondialisation a imposé à l’Europe d’autres valeurs moins solidaires. On aurait dû commencer par l’Europe de la culture, semblait dire Jean Monnet, à la fin de sa vie.