« J’étais un étranger et vous m’avez accueilli »

Depuis quelques mois, le débat sur les migrants et sur leur accueil en Europe secoue nos consciences. Pourtant un récent sondage réalisé par l’IFOP publié en septembre pour La Croix et Le Pèlerin a montré les réticences des catholiques face à l’accueil des migrants. 51% des pratiquants se déclarent opposés à l’accueil des migrants qui arrivent sur les côtes européennes. A titre de comparaison, 72 % des protestants se déclarent en faveur de l’accueil. Pourtant, tout au long de son histoire, l’Eglise catholique n’a pas cessé de prendre la défense du migrant et de prôner une vision positive, du fameux « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » à François, dont le premier voyage à l’extérieur de Rome en tant que pape fut une visite à Lampedusa.
Le rapport à l’étranger traverse la Bible et l’histoire du peuple hébreu de l’Exode à l’Exil à Babylone. L’Eglise est imprégnée de cette mobilité, comme le déclarait Jean-Paul II, en 1999, Jean-Paul II: « Le phénomène de la mobilité humaine évoque l’image même de l’Eglise, peuple en pèlerinage sur la terre, mais toujours orientée vers la Patrie céleste ».
Souvenons-nous de ces paroles de Jésus, qui s’était fait pauvre parmi les pauvres, déclarant : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » et dont Mgr Daucourt faisait le commentaire lors des Semaines sociales de 2006 : « Jésus ne dit pas : j’étais un malade catholique et vous êtes venus me voir. J’étais un prisonnier innocent et vous m’avez visité. J’étais un étranger avec des papiers en règle et vous m’avez accueilli. » Ou encore de cet épître de Paul aux Galates : « Il n’y a plus ni juif, ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus que l’homme et la femme, car tous vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus ».
Au IVème siècle, Saint Ambroise s’adressait en ces termes aux riches : « La Terre n’appartient pas aux riches, mais à tout le monde. C’est pourquoi loin de vous montrer généreux (lorsque vous faites l’aumône) vous ne faites que rembourser une partie de votre dette. »
Plus près de nous, le concile Vatican II, alors que l’Europe accueillait beaucoup de travailleurs étrangers dans des conditions parfois peu dignes, demandait à ne pas aborder le migrant comme une menace et appelait à un partage plus juste des richesses : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, de sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité. »
« Dans l’Eglise, déclarait, en 1996, Jean Paul II à l’occasion de la Journée mondiale des migrants, nul n’est étranger et l’Eglise n’est étrangère à aucun homme ni aucun lieu. Pour le chrétien, le migrant n’est pas simplement un individu à respecter selon des normes fixées par la loi, mais une personne dont la présence interpelle et dont les besoins deviennent un engagement dont il est responsable ». Le même Jean-Paul II déclara : « L’Eglise se sent le devoir d’être proche comme le bon samaritain, du clandestin et du réfugié, icône contemporaine du voyageur dépouillé, roué de coups et abandonné sur le bord de la route de Jéricho ».
A l’occasion des élections présidentielles de 2007, les évêques de France publiaient un texte « Qu’as-tu fait de ton frère ? », sur le thème de l’immigration. « Le sujet est difficile et nous savons l’extrême sensibilité de nos concitoyens en ce domaine. Comment pourrions-nous nier qu’in pays comme le nôtre a des limites à sa capacité d’accueil. Cependant il convient de prendre notre juste part à cet accueil. Et juste, ici, veut dire de façon généreuse ». Ils formulaient également quelques convictions :
– Nous estimons normal que notre pays définisse une politique de l’immigration…
– Dans l’Eglise, cependant, il n’y a pas d’étranger, le baptême fait accéder, où que l’on soit, à la citoyenneté chrétienne et l’Evangile nous appelle à une fraternité universelle…
– La rencontre avec ces frères et sœurs venus d’ailleurs nous amène à poser fortement dans le débat public, la question de l’extraordinaire inégalité qui règne dans le monde…
– Parmi les migrants, beaucoup pour s’établir en France, ont franchi des difficultés considérables et certains ont risqué leur vie. Pourquoi ne pas porter à leur crédit cette volonté de rejoindre notre pays et ne pas se fonder sur elle pour leur trouver une place dans la société nationale ? Certes, nous ne pouvons pas recevoir tout monde, mais il nous est aussi impossible de renvoyer tous les clandestins. Notre pays doit pouvoir continuer à recevoir les réfugiés politique et ceux qui risquent des persécutions, y compris religieuses, dans leur pays…

Terminons à nouveau avec le pape Jean-Paul II qui déclarait : « Lorsque la compréhension du problème est conditionné par les préjugés et des attitudes xénophobes, l’Eglise ne doit pas manquer de faire entendre la voix de la fraternité en l’accompagnant de gestes qui attestent du primat de la charité. »