Il y a un siècle…

Dans quelques semaines nous allons commémorer le début de la Première Guerre mondiale. En effet, un siècle nous sépare de ces premiers jours d’août 1914, où des millions de mobilisés, tous hommes jeunes, partaient au combat, la fleur au fusil, en pleine moisson, patriote comme un seul homme, avec le ferme espoir d’être de retour avant l’hiver. « Tu aurais vu les gars, témoignait Ephraïm Grenadou dans Grenadou, paysan français. C’était quasiment une fête, cette musique-là. C’était la Revanche… » Quatre ans plus tard, plus d’un million-et-demi d’entre eux ne rentreront pas de cette boucherie, monstruosité de l’histoire, qui tuera jusqu’à vingt-huit mille soldats en une seule journée. Parmi eux, beaucoup de paysans, plus de la moitié, pour cette guerre que certains ont appelé une guerre de paysans, comme l’universitaire allemand et francophile, Ernst Robert Curtius qui écrivait en 1930, dans son Essai sur la France : « Pour les Français, la terre cultivée de son pays est sacrée. L’ennemi en la foulant commet une profanation. La haine exaspérée de la France contre l’envahisseur des grandes guerres a été dictée, en grande partie, par le sentiment qui appartient à une zone de l’âme française bien plus profonde que celle de l’honneur national ». J’habite ces zones meurtries proches du front, entre batailles de la Marne, de l’Ourcq et du Chemin des Dames où le souvenir de cette tragédie se lit au quotidien dans les paysages, où l’histoire a rejoint la géographie. Si la nature et l’agriculture ont repris leurs droits, les paysages présentent encore quelques plaies béantes, tel bosquet, lieu d’affrontement, tel monticule qui ne doit rien à la géologie… Mais plus encore que ces immuables cicatrices, nos paysages semblent imprégnés de mélancolie, comme s’il planait depuis un siècle une brume automnale même au cœur des plus beaux jours de l’été. C’est sans doute pour tous ces sacrifiés de la bêtise humaine le moyen de rappeler aux générations futures : n’oubliez pas !