Le plan d’investissement France 2030, lancé il y a quelques jours par le chef de l’Etat, fait la part belle aux start-up, et notamment dans l’agriculture autour du triptyque robotique, numérique, génétique. Bien évidemment toutes les techniques facilitant la tâche des agriculteurs ne sont pas à négliger, mais le « tout technologique » a son revers. D’abord il ne correspond pas à tous les types d’agricultures, notamment l’agroécologie. De plus les coûts de ces investissements sont conséquents, avec le risque de ne voir l’agriculture que comme un débouché pour les constructeurs ou une source de données pour les GAFA. Qui plus est l’expérience montre le caractère récurrent de la captation de la valeur ajoutée dans l’agriculture, avec ces transferts vers les industries d’amont et d’aval et la grande distribution. Le système technicien comme l’a montré le philosophe Jacques Ellul, secrète ses normes, ses bureaucraties, ses règles, son idéologie.
A l’extrême opposé de cette agriculture 4.0, les initiateurs de L’Atelier paysan, une coopérative qui développe des outils et des équipements (basse technologie) et prône l’auto-construction, viennent de publier un livre Reprendre la terre aux machines (1), dénonçant l’industrialisation agricole « qui prend un visage transhumaniste en nous promettant une agriculture par des robots, drones, capteurs et intelligence artificielle » et presque sans hommes car elle mène à ces fermes verticales « high tech », fortes consommatrices d’énergie, ou à ces cultures cellulaires de viandes artificielles, pas forcément en adéquation avec l’objectif d’une alimentation saine, durable et traçable.
Au–delà des clivages entre diverses conceptions de l’agriculture, ces enjeux ne méritent-ils pas un débat ? Il ne s’agit pas de faire le procès du progrès, mais de mesurer les impacts sociaux et économiques avec pour but de sauvegarder cette part quoique relative d’autonomie de l’agriculteur qui donne encore sens à ce métier. Il y a 43 ans, le promoteur de la génétique animale en France, Jacques Poly, publiait un rapport marquant : Pour une agriculture plus économe et plus autonome et très actuel.
- Reprendre la terre aux machines – L’Atelier paysan – Le Seuil – 20 €