Scrutins sous influences…

Contrairement à certaines déclarations politiques ou analyses journalistiques, les questions identitaire et migratoire interviennent très peu dans le vote des Français.  C’est du moins ce que constatent la politiste Julie Cagé et l’économiste Thomas Piketti dans la somme qu’ils viennent de publier. Un livre (1) dans lequel ils ont analysé à partir d’une multitude de données le lien entre le vote des Français et les inégalités en France de 1789 à 2022. Il en ressort que c’est surtout l’appartenance à une catégorie sociale et le lieu où l’on vit, qui sont déterminants dans le choix des électeurs.

Si, durant les Trente glorieuses, les territoires pauvres votaient plus que les territoires riches, la situation s’est inversée depuis les années 1990, notamment dans les campagnes, avec une hausse de l’abstention. Il s’explique par le fait que dans le monde rural, on recense davantage d’ouvriers plus exposés à la concurrence internationale, que dans les métropoles ou les banlieues, qui comptent davantage d’employés de service, moins exposés. S’ajoute à cela dans les villages et les bourgs un accès aux services publics plus compliqués, aggravant le sentiment d’abandon. Si bien que la gauche a perdu une grande partie de ses électorats populaires.

Par ailleurs les auteurs font le parallèle entre la situation politique actuelle marquée par le tripartisme (3 blocs politiques éclatés) et les débuts de la Troisième République (jusqu’en 1910), avec un bloc central, les Républicains opportunistes, des oppositions de droite et de gauche et un vote populaire éclaté. Deux périodes qui, pour les auteurs, voient l’accélération des inégalités tant sociales que territoriales, avec notamment aujourd’hui une concentration de la production de richesses dans les métropoles, et une politique moins portée sur le social que dans les périodes de bipartisme (d’opposition gauche/droite) du fait des alternances politiques telles qu’on les a connues jusqu’à récemment.

1/ Une histoire du conflit politique – Elections et inégalités sociales. Le Seuil 2023 – 863 pages, 27 €.