Les lois d’orientation de 1960 et 1962 (80 ans de La France Agricole – 4)

Dans la perspective du Marché Commun, les nouveaux dirigeants de la Cinquième République engagent à une réforme des structures. La FA qui, depuis 1945, plaide pour une politique de prix rémunérateurs s’insurge contre ces lois.

Dès l’annonce par le Premier ministre, Michel Debré, de la loi d’orientation de 1960, l’éditorialiste de la FA (28/07/1960) doute de l’efficacité des réformes de structures : « Proposer comme solution aux agriculteurs des « réformes de structures », – d’ailleurs arbitraires – c’est renverser le problème, c’est raisonner à contresens ». Il ajoute : « Il est assuré que les lois agricoles données au pays par le gouvernement ne pèseront pas bien lourd dans ses rapports avec une agriculture en perdition financière ».

La nomination en août 1961 d’Edgard Pisani au ministère de l’Agriculture ne va pas apaiser le propos, alors que, souligne le journaliste, « le mécontentement continue d’agiter les campagnes ». Au fil des semaines, la FA s’insurge contre les réformes, en particulier le projet de droit de préemption des sociétés foncières, considéré comme « une atteinte aux droits civiques et au droit de propriété ». L’éditorialiste ajoute : « Le gouvernement joue avec habilité l’intervention de l’Etat dans la modification des structures, pour se dispenser d’engagements dans le domaine des prix. » Dans un autre édito, titré le plat de lentilles (12/10/1961), l’éditorialiste met en cause l’attitude des jeunes agriculteurs, sur lesquels s’appuie le ministre et qu’il invite régulièrement rue de Varenne : « En vendant son droit d’aînesse contre un plat de lentilles, Esaü fit un mauvais marché. Il n’y a plus de droit d’aînesse. Il y a des droits civiques et des libertés qui sont manifestement l’objet de marchandages. »

Lorsque les différentes mesures se fondent dans une vaste loi cadre, la FA évoque une « loi fleuve traitant du régime des eaux et des vieilles masures, du droit de préemption des SAFER, des cumuls, des terres incultes, des forêts et du Fonds social ». Dans un édito titré l’Etouffoir (19/10/1961), le journaliste s’insurge : « La liberté ne devrait pas être immolée à des systèmes qui n’offrent aucune garantie d’être plus justes et qui risquent de devenir des moyens d’oppression » ; l’éditorialiste faisant ensuite référence « aux paysans d’Allemagne de l’Est qui ont été poussés malgré eux à la collectivisation prétendue volontaire ». Quant au billettiste du « Le cheval du Levant », il dénonce « des remèdes aux difficultés paysannes qui conduisent tout droit l’homme des champs à l’esclavage ». Plus nuancé toutefois, cet article du 28/12/1962 conclut l’année ainsi : « Malgré l’importance exceptionnelle de l’œuvre législative, les résultats positifs de l’année défunte peuvent paraître aussi minces. »