Le retour du tragique dans l’Histoire

Sans doute la pandémie nous a-t-elle préparé à ce monde d’après si incertain, angoissant et sans doute beaucoup plus dangereux. Avec cette guerre en Ukraine, le cynisme brutal d’un dictateur, habile tacticien mais piètre stratège, soufflant le chaud et le froid dans un engrenage mortifère, se révèle pour beaucoup d’entre nous encore plus anxiogène que ces espiègles variants de la Covid. Il faut lire La Russie selon Poutine, le livre d’Anna Politkovskaïa, journaliste assassinée à Moscou en 2006, pour mesurer le caractère mafieux et l’inhumanité depuis deux décennies de ce régime qui avait pourtant séduit une partie de la classe politique française et européenne.

Le tragique de l’Histoire est ainsi de retour, avec ce sentiment d’impuissance de l’Occident face à la deuxième puissance nucléaire et au risque d’une troisième guerre mondiale. A deux heures de Paris, ces images improbables il y a un mois, de réfugiés terrorisés, de frappes aériennes sur des maternités, de villes assiégées, sur fond de menaces nucléaires, chimiques ou bactériologiques, nous rappellent les tragédies de Grozny et d’Alep, mais c’était plus loin et les Européens se sentaient malheureusement moins concernés.

Depuis le début de la construction européenne, le Vieux Continent, protégé par le parapluie américain, a refoulé le concept d’Europe puissance. Souvent considérée comme « une puissance herbivore dans un monde de carnivores », l’Europe semble avoir pris la mesure de ce bouleversement géopolitique qui fait que rien ne sera plus comme avant et dont témoigne le changement total d’attitude en matière de défense des autorités allemandes. Le risque pour l’Europe serait de renouer au-delà des bons sentiments à des actions trop tardives et pas à la hauteur des enjeux (trop tard et trop peu !), comme semblent le montrer les conclusions du Sommet de Versailles.

La peur de Staline a été en partie à l’origine de la construction européenne. La peur de Poutine sera-t-elle l’occasion du sursaut de l’Europe ? A confirmer dans les prochaines semaines ou les prochains mois…