Le mai 1968 des ouvriers agricoles

Quand on imagine Mai 1968, – et les récentes émissions de télévision nous confortent dans cette vision -, on revoit les étudiants sur les barricades du Quartier Latin, les grandes manifestations de cheminots, de métallurgistes ou d’ouvriers de Renault… Parmi ces manifestants, il y avait sans doute quelques salariés de l’agriculture, mais très peu. Et pourtant, comme le note Philippe Vasseur un journaliste proche de la CFDT dans le livre Mai 68, victoire des salariés agricoles : « S’il y a eu une catégorie sociale qui a le plus bénéficié de ce grand mouvement populaire, c’est sûrement les salariés agricoles ».

Il est vrai qu’à l’époque les salaires sont bas. Il existe un Smag (Salaire minimum agricole garanti) mais dont le montant est inférieur au Smig (qui va devenir le Smic). Pour les représentants des syndicats ouvriers l’un des enjeux de la négociation sociale qui s’ouvre au ministère de l’Agriculture, est la suppression du Smag et la reconnaissance pour les salariés de l’agriculture des mêmes droits que les salariés des autres secteurs. L’ouverture d’esprit du négociateur de la FNSEA, Maurice Duclaux, « patron visionnaire », aux yeux de certains syndicalistes, l’habileté du ministre, Edgar Faure, qui sut mettre une ambiance cordiale, tutoyant tout le monde, alors qu’à quelques centaines de mètres de là le climat était insurrectionnel, et la gravité du contexte ont permis la signature d’un accord le 6 juin 1968. Accord, qui, outre la fin des discriminations, prévoyait une augmentation des salaires de 17 %, le paiement des jours de grève, des cotisations sociales calculées sur le salaire réel et non au forfait, la réduction de la durée du travail… Gérard de Caffarelli et Michel Debatisse, respectivement président et secrétaire général de la FNSEA, durent aller s’expliquer dans les départements, non sans remous, parfois. D’ailleurs les accords de Varenne ont été l’une des raisons de la dissidence de la FDSEA de l’Indre-et-Loire et de la création en 1969 de la FFA (Fédération Française de l’Agriculture), mouvement situé très à droite de la FNSEA.