La Poste en campagne…

Il est loin le temps où le philosophe Alain (1) écrivait : « le facteur est le bienvenu partout… Tous mes amis qui sont loin m’envoient le facteur en ambassade. » Depuis le 1er janvier, le timbre rouge est remplacé par sa version numérique, ce qui ne facilitera pas la tâche de ceux qui maîtrisent mal l’informatique. Et puis, dès mars prochain, face à l’érosion du courrier (7 milliards de lettres distribuées en 2022 contre 18 milliards en 2008), la Poste met en place une expérimentation sur 68 territoires afin de réorganiser les tournées. Seuls les colis, les recommandés et la presse seront diffusés quotidiennement.

Une étape de plus dans l’érosion des services publics en milieu rural ? Depuis 1830, que l’administration postale a mis en place un service rural, le facteur est un acteur essentiel de la vie des campagnes. Rétribué au kilomètre parcouru, sous la Monarchie de Juillet, il doit alors exercer une autre activité pour vivre. Dès 1920, le vélo s’impose pour les tournées de plus de 8 kilomètres. Bon nombre de tournées dépassent alors les 30 kilomètres. Les années qui suivent la Seconde guerre mondiale voient les débuts de la modernisation avec l’automatisation du tri, l’arrivée de la voiture (en 1952) et la diversification des activités notamment le versement des pensions et des mandats, par les facteurs qui, dès 1946, obtiennent le statut de fonctionnaire. Une époque glorieuse dont témoigne le film Jour de fête, sorti en 1949, où Jacques Tati joue le rôle d’un facteur qui s’inspire des méthodes modernes de la Poste américaine. Pendant plusieurs décennies, les facteurs ruraux rendront des petits services aux villageois, en échange de quelques légumes, d’œufs ou d’un verre… Une relation de proximité encore très ancrée dans l’univers social des ruraux, au point que la Poste a mis en place, il y a quelques années, le dispositif téléassistance pour les personnes âgées ou l’offre « Veiller sur mes parents », qui prévoit au moins une visite hebdomadaire du facteur.  Activité, désormais payante qui remplace les petits services gratuits du facteur, témoignant d’un bouleversement dans le lien social.

1/ Propos – 1908.