Jean-Claude Carrière, le paysan

Le scénariste et écrivain, Jean-Claude Carrière, décédé la semaine dernière, avait vécu son enfance au sein d’une famille de viticulteurs dans l’Hérault. En 2000, il avait publié Le vin bourru  (1)(ce vin que l’on boit juste à la fin des vendanges). Il y racontait son enfance d’un autre temps, qui semblait sortir du Moyen-Age, avec la corvée d’eau, la cueillette des champignons et le sacrifice du cochon, le braconnage et les vendanges « apothéose de l’année », dans ce monde sans déchets, où tout se recyclait, au sein de ce village de Colombières-sur-Orb, « mémoire de peines, de blessures, de reins brisés, de mains cisaillées par les pierres ». Il se présentait comme un des rares auteurs à savoir labourer avec un cheval.

Au début de la Seconde guerre mondiale, ses parents quittent leurs vignes pour reprendre la gérance d’un café à Montreuil-sous-Bois. Jean-Claude Carrière plonge alors dans une autre culture (sans pour autant oublier la culture de son enfance), qui le mènera au sommet de l’art cinématographique, au moment où le monde va connaître des bouleversements considérables.

Cet « encyclopédiste au temps des Frères Lumière », comme il se définissait, avait comme credo : parler de tout à tout le monde. Conteur exceptionnel, il écrira des sketches pour des chansonniers, puis des chansons, des pièces pour le théâtre et des adaptations pour la télévision, mais il sera surtout le scénariste des plus grands réalisateurs : Luis Bunuel, Louis Malle et beaucoup d’autres. Il s’était essayé à toutes les formes d’écriture et son amour des livres était sans doute venu de l’absence des livres durant son enfance. Son éclectisme l’amenait à s’intéresser aussi bien à l’Inde, aux mots inconvenants, à la mécanique quantique, ou à nos fragilités. Cet athée était passionné par la spiritualité. Il y avait aussi chez Jean-Claude Carrière cette curiosité pour l’autre, quel qu’il soit, le paysan de Colombières ou le dalaï-lama, avec ce souci de trouver en cet autre ce qu’il possède « d’intéressant, de rare, de surprenant, de beau ». La vie multiple (les vies) de Jean-Claude Carrière nous offre une belle leçon de sagesse, d’humanité et d’émerveillement !

  • Le Vin bourru – Plon – 305 pages – 17,98 € – 2000.