Entre illusions et désillusions…

J’ai toujours considéré l’année 1973, comme une année charnière, influencé sans doute par ce passage du statut de lycéen à celui d’étudiant, comme un rite de passage avec un regard plus affiné sur les « affaires » du monde. 1973 marque la fin d’une époque, celle des Trente Glorieuses chère à Jean Fourastié (l’inventeur de la formule), avec cette guerre du Kippour, entre Israël et ses voisins, (cela fera 50 ans en octobre !), dont les conséquences, avec l’envolée des cours du pétrole, remettront un temps en cause nos modes de vie. S’en suivra un taux de chômage, qui ne cessera de croître, et une croissance en berne alors que le taux dépassait les 5 % l’an durant la décennie précédente, où l’on considérait toute forme de progrès comme ne pouvant être que positive.

Je revois mes parents (nés en 1923) enthousiasmés par cette époque, – eux qui avaient connu les privations de la Seconde guerre mondiale -, un peu à la manière d’un Michel Serres qui, dans un pamphlet « C’était mieux avant ! », dénonçait « ces Grands Papas Ronchons qui nous empêchent de regarder le présent avec confiance et l’avenir avec espoir… »  Propos qui peuvent surprendre (voire choquer !) les jeunes de 20 ans en 2020 confrontés à la Covid, à la guerre en Ukraine, au changement climatique et autres bouleversements environnementaux, énergétiques ou sociaux…

Au fond, chaque génération est marquée par le contexte de l’époque. Avoir 20 ans en 1914, c’était l’horreur de la guerre, avec la mort au centre de la vie ; avoir 20 ans en 1945, c’était l’espoir d’un monde en reconstruction ; avoir 20 ans en 1975, c’était l’angoisse du chômage persistant, mais l’espérance dans le progrès ; avoir 20 ans en l’an 2000, c’était l’engagement dans l’aventure du numérique… Au fond, toute époque navigue plus ou moins entre tragédies et espérances, illusions et désillusions. Le grand reporter et écrivain, Joseph Kessel, qui avait vécu et souvent couvert bien des soubresauts du XXème siècle, déclarait : « Mes deux divinités, ce sont la beauté de la Terre et l’amitié des hommes ». Beau programme pour toutes générations confondues !