Du bon, du beau, du Bonheur

Fascinante Rosa Bonheur, dont on commémore cette année le bicentenaire de la naissance. Cette peintre animalière connue pour ses monumentales toiles comme le marché aux chevaux, le labourage nivernais ou la fenaison en Auvergne, était une femme très moderne qui s’affranchissait des codes de l’époque. Elle portait le pantalon, fumait la cigarette, chassait le gibier, savait manier toutes les méthodes de promotion pour se faire reconnaître. Elle fut ainsi la première artiste à s’offrir les services d’un imprésario pour vendre ses toiles, promouvant ainsi sa notoriété internationale, source de notables revenus. Son tableau Le marché des chevaux est vendu à New-York pour la coquette somme de 268 500 francs, tandis que Monet et Cézanne ont bien du mal à vendre leurs toiles plus de 100 francs. Femme libre, elle exprimait des opinions féministes, comme sa « sœur de plume », la romancière George Sand. Toutes deux, chacune dans leur domaine, avaient magnifié la campagne, le travail paysan et les animaux.

Rosa Bonheur va consacrer toute sa vie aux animaux, domestiques ou sauvages, prenant le temps de les observer, de découvrir l’intimité de leurs vies et de leurs souffrances, d’examiner leur anatomie, jusqu’à constituer sa propre ménagerie dans son château de Thomery, en lisière de la forêt de Fontainebleau. Elle fréquente maquignons et vétérinaires, visite écuries et abattoirs, lit Buffon et La Fontaine. Une passion animalière qui remonte à l’enfance, lorsque son père, lui aussi peintre, travaille avec le naturaliste Geoffroy Saint Hilaire.

Indifférente au mouvement impressionniste, qui bouleverse la peinture, elle restera fidèle toute sa vie à cette peinture qui entend restituer au mieux la réalité et la vérité de l’animal, et que beaucoup jugent alors ringarde. Un travail d’une exceptionnelle fiabilité qui intéressera des générations de zootechniciens qui s’appuieront sur ses toiles pour étudier l’évolution des populations animales et les races disparues comme ces bœufs de race morvandelle qui figurent sur sa toile la plus connue en France : le labourage nivernais…