Des agronomes qui bifurquent…

La semaine passée, salle Gaveau, ambiance plutôt policée d’une remise de diplômes de la dernière promotion d’AgroParisTech, jusqu’à ce que huit étudiants appellent à déserter la voie professionnelle qui leur est tracée, dénonçant de façon quelque peu caricaturale une formation « qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours » et une agro-industrie qui « mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur Terre ». Au moins peut-on reconnaître que cette formation sait cultiver l’esprit critique de ses étudiants ! Et ce n’est pas nouveau. Après tout l’un de ses plus célèbres professeurs, René Dumont, a été le premier candidat écologiste à une élection présidentielle. Et puis l’on doit trouver kyrielle d’anciens « Agros » dans divers mouvements contestataires. Mais au-delà de ce qui ressemble à un caprice d’enfants gâtés, peut-être faut-il y voir le signe d’une génération inquiète ? Récemment des étudiants de Polytechnique se sont mobilisés contre l’implantation d’un centre de recherches de Total-Energies sur le campus de l’école.

Cet épisode rappelle une autre cérémonie à l’Agro Paris-Grignon. C’était il y a plus de vingt ans. Le parrain de la promotion était le biologiste Axel Kahn. Il devait commenter quelques parcours de réussite et avait alors dit sa surprise devant les choix professionnels essentiellement orientés autour du marketing, (le reflet d’une époque !) et si éloignés de ce qu’il imaginait. « Je croyais encore à une notion ancienne selon laquelle, l’une des beautés du métier qu’ils embrassaient était de nourrir le monde. Or aucune des réussites qui m’avaient été présentées ce jour-là n’impliquait un engagement dans cette voie-là ». Il ajoutait : « Vous êtes parmi les jeunes les mieux éduqués du pays. Vous aurez non seulement la faculté de diriger votre propre vie mais aussi, de par votre position hiérarchique, d’influer sur l’avenir du monde. Que voulez-vous faire de vos pouvoirs, de votre vie ? En d’autres termes, quel est votre but dans l’existence ? » Chaque époque (et surtout chaque individu) a sa réponse…