De l’esclavache…

Emouvant témoignage sans fioritures et tout empreint de dignité, que ce livre écrit à quatre mains, Le jour où on a vendu nos vaches (1). Les auteurs, un couple d’éleveurs laitiers du Bessin, qui n’ont pas 40 ans, décrivent les angoisses du quotidien. Ludivine s’est toujours rêvée en citadine. Pas question d’épouser un agriculteur ! Le destin en a décidera autrement. Christophe est attaché à  son métier. Il travaille comme un fou pour ne rien gagner. Elle doit travailler à  l’extérieur. Et puis un jour, alors qu’ils font les courses pour Noël, la carte est refusée. Ils découvrent qu’ils sont interdits bancaires. On vit alors avec eux au jour le jour, la crise laitière, les manifestations contre Lactalis et Leclerc, – dont Christophe fut un des meneurs -, la spirale de l’endettement, les saisies sur salaires, les estomacs noués et les nuits d’insomnie, la sensation d’être inutile et la honte qui en découle, la crainte de la dépression ou du pire et les difficultés du couple, la cantine des enfants qu’on n’arrive pas à payer, les ragots et les médisances des voisins qui ne pensent qu’à l’appel de la terre… Et puis un jour de février 2016, c’est la vente du troupeau, une rupture douloureuse, mais en même temps un soulagement. La semaine suivante, Ludivine fait ses courses. Juste avant de passer en caisse, elle se rend compte qu’il manque le pack de lait. C’est la première fois qu’elle doit acheter du lait. Elle pleure comme une madeleine. Le directeur du supermarché qui l’a vue est gêné. Digne, elle a ravale ses sanglots, sèche ses larmes puis tourne les talons. Au moment où je termine le livre, j’apprends que le film Le petit paysan (2), d’Hubert Charuel, fils d’éleveurs, est primé au Festival d’Angoulême. L’histoire, un éleveur laitier trentenaire qui se bat pour sauver son troupeau atteint d’une épidémie… C’est à se demander si les jurés de ce festival n’ont pas plus conscience de ces drames des campagnes que nos décideurs !

  • Ludivine et Christophe Le Monnier avec Bérangère Lepetit“ Le jour où l’on a vendu nos vaches »  – Flammarion  19 €. (2) Le petit paysan sort en salle le 30 août.