De la poussière et des hommes

Fol été de par ses excès climatiques (sécheresse, rivières et lacs à sec, mégafeux…) et son lot d’images apocalyptiques, qui font penser à ce remarquable documentaire, que propose ARTE (sur son site), De la poussière et des hommes, et qui relate, avec de saisissants clichés et d’émouvants témoignages, le fameux dust bowl (bol de poussières) qui, durant les années 1930, en même temps que la Grande Dépression (économique), allait dévaster l’agriculture des grandes plaines du Sud des Etats-Unis. A partir de 1880, ces prairies jusque-là destinées aux bisons et aux Indiens vont attirer de nombreux colons qui vont les transformer en terres à blé, avec la perspective de revenus consistants. D’autant que, durant quelques années, cette région aride, sans arbres, sans lacs et sans fleuves, sera arrosée plus qu’à l’accoutumée.

Mais en 1931, les vents desséchants se font de plus en plus violents, et les tempêtes de poussières de plus en plus nombreuses, emportant la terre fertile, recouvrant tout sur leur passage, jusqu’à transformer ces terres en paysage lunaire. Au total, ce sont quelques 350 millions de tonnes de terres arables qui seraient parties en poussière, durant ces dix années d’horreur et de misère. Malgré un revenu quasi-inexistant, ces agriculteurs s’accrochent, ne se doutant pas que le pire est devant eux. D’autres, comme les métayers qui ont tout perdu, se résignent, migrent vers le rêve californien qui les considère comme des indigents. John Steinbeck en fera un bestseller, Les Raisins de la colère, porté à l’écran par John Ford. La politique sociale et de conservation des sols du New Deal, initiée par Franklin Roosevelt, permettra d’améliorer la situation. Mais, depuis, les farmers de la région qui n’attendent plus rien du ciel, s’intéressent à l’eau en sous-sol et puisent dans la réserve aquifère millénaire de l’Ogallala, qui pourrait se tarir d’ici deux décennies, oubliant ainsi les leçons du passé et notamment ce constat qu’une savane peut se transformer en désert. « Les hommes ont la mémoire courte et ont tôt fait d’oublier les leçons cinglantes de la nature pour retomber dans les mêmes errements », déclare un témoin de cette période dans le film. A méditer pour le temps présent, qui voit se juxtaposer crises climatique, énergétique et géopolitique !