Au nom de la terre

Le film d’Edouard Bergeon Au nom de la terre a surpassé au box-office Rambo, la semaine passée avec près de 500 000 entrées. Ce film poignant, car inspiré de la tragédie vécue par le réalisateur, raconte la descente aux enfers d’un agriculteur pris dans l’engrenage de l’endettement et l’épuisement au travail qui le mènent au suicide. Longtemps question taboue, – on s’était ému des suicides chez France Télécom ou Renault, moins des suicides de paysans -, ce thème est également traité dans le livre Tu m’as laissé en vie de Camille Beaurain et Antoine Jeanday, publié récemment au cherche midi éditeur, et le travail de la photographe Karoll Petit.

Pourtant le phénomène n’est pas récent. Depuis des décennies, les agriculteurs figurent parmi ceux qui se suicident le plus. De là à faire le lien entre le suicide et la crise agricole, c’est sans doute aller un peu vite en besogne, selon le sociologue Nicolas Deffontaines, auteur d’une thèse sur ce sujet. Il a interrogé des nombreuses familles qui ont vécu ce drame et ne croit pas en un lien mécanique entre le suicide et les difficultés économiques. Du moins le facteur économique n’est-il pas, à ses yeux, la seule cause !

Pour Nicolas Deffontaines, le problème est donc plus structurel que conjoncturel. Pour cela il se base sur une typologie, qu’il a configurée, des différentes formes de suicides rencontrées dans les campagnes : du suicide « égoïste » lié à l’isolement social au suicide « altruiste » dû aux difficultés de transmission pour les agriculteurs en fin de carrière, en passant par le suicide « anomique » à la suite d’un burnout et le suicide « fataliste » lié à la forte imbrication entre travail et famille. Certes depuis la modernisation de l’agriculture dans les années 1960, le métier d’agriculteur s’est imposé à l’état de paysan, mais, contrairement à d’autres professions, l’échec surpasse le cadre purement professionnel pour atteindre la famille et l’environnement. Ce que traduit avec beaucoup de réalisme et jusque dans le détail le film d’Edouard Bergeon !