Depuis les années 1980, nous sommes passés du libre-échange à tout crin à l’exacerbation des protectionnismes, tous deux suscitant bien des incertitudes sur les marchés agricoles.
C’est avec le cycle des négociations de l’Uruguay-Round, amorcée en septembre 1986 à Punta Del Este, que l’agriculture entrait de plain-pied dans le champ de la mondialisation. « Une fois de plus, la PAC sera au banc ces accusés », souligne alors l’éditorialiste de la FA (19/9/1986), ajoutant : « Il est inconcevable d’aligner les prix intérieurs sur les prix mondiaux qui sont des prix de braderie. » Durant une décennie, de 1986 à la signature de l’accord de Blair-House en 1995, La FA consacrera une large place à ces négociations. Les titres des couvertures et des éditos témoignent des soubresauts de la négociation et des craintes suscitées : La fin des protections, Passage dangereux, Le point de rupture, La dernière ligne droite, La France prise au piège, Le GATT, un débat de société, Rien n’est joué, Au pied du mur, L’Europe livre ses agriculteurs à la concurrence… Parmi les moments forts du débat, notons la publication d’une tribune (FA du 4/12/1992) de Maurice Allais. « Dans le conflit actuel, écrit le Nobel d’économie, il ne s’agit pas de défendre des intérêts particuliers des agriculteurs français et des lobbies agricoles, il s’agit de la défense de l’agriculture française, – élément essentiel de notre identité -, en tant que telle. »
Au-delà de la critique, la FA proposera durant l’année 1994 une série de dossiers : Des solutions pour s’en sortir, avec France Inter, proposant notamment d’inventer de nouvelles règles pour ls marchés. A la signature du Traité de Blair-House, l’éditorialiste Michel Collonge (07/07/95) nuance les craintes. S’il considère que la vigilance demeure nécessaire, il ajoute : « Quelques failles se forment sous les coups de bélier du GATT… Toutefois la fortification demeure. »
En 2001 à Doha, un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales s’engage. Là encore l’agriculture est au cœur des discussions qui ne cesseront de piétiner entre suspensions et reprises, pour ne jamais aboutir. Ce qu’envisageait dès 2008, Philippe Pavard, dans un édito L’OMC en porte à faux : « Dans un contexte de crise alimentaire mondiale et de flambée des prix des matières premières agricoles, certaines institutions internationales feignent encore d’ignorer le désaveu cinglant qu’inflige la réalité du monde à leurs thèses virtuelles ». On connaît la suite : le déclin du multilatéralisme, la montée en puissance du protectionnisme, amorcée lors de la première présidence de Trump, et accélérée depuis son retour, et la multiplication des accords régionaux de libre-échange comme le Mercosur.