Dans L’Accident (1), dernier livre du journaliste-écrivain Jean-Paul Kauffmann, ce dernier raconte comment, lors de sa détention durant trois ans comme otage du Hezbollah libanais, la hantise de la mort qui le harcelait la journée « s’évanouissait par miracle pendant la nuit ». C’est grâce à ses souvenirs d’enfance qu’il a tenu bon. Les cauchemars commenceront une semaine après sa libération.
Ce récit mêle une enquête autour de l’accident le 2 janvier 1949, qui engendra la mort de dix-huit footballeurs de Corps-Nuds, bourg d’Ille-et-Vilaine, (où JP Kauffmann a passé sa jeunesse), à son enlèvement à Beyrouth le 22 mai 1985. Le tout sur fond d’une évocation de la vie à la campagne dans les années 1950, au moment où la civilisation agreste jetait ses derniers feux. « J’appartiens en effet à ce continent perdu, « le vieux monde », une société rurale d’avant la mécanisation, la France des comices agricoles, des fêtes patronales, des kermesses paroissiales, qui croit au surnaturel », écrit le journaliste qui se définit comme un pur produit de la province française.
Ce fils de boulangers pâtissiers évoque le fournil, « paradis de sensations olfactives » qui l’a façonnée. L’enfant de chœur, marqué par l’éducation religieuse et subjugué par le rituel – « chaque cérémonie ressemblait à une pièce de théâtre » -, témoigne d’une Eglise où seul compte alors le respect strict des règles de la religion et des principes de la morale. L’auteur se souvient de cette société rurale marquée par la frugalité plus ou moins consentie, les joies simples, les solidarités villageoises, la sobriété imposée, d’un temps où l’on n’exprimait pas ses sentiments… sans pour autant tomber dans la nostalgie du monde d’avant. « Ce n’était ni un âge d’or ni le paradis perdu », précise l’auteur qui ajoute : « C’était mieux avant ! Mais non, c’est une illusion répétée depuis deux mille ans. C’est beaucoup mieux ici et maintenant. Seul le présent rassasie. La joie de ce qui est, plutôt de ce qui fut ou sera. »
1/ Equateurs Littérature, 22 €, 328 pages.