Tanguy Prigent, le ministre paysan

Il est aujourd’hui tombé dans l’oubli et pourtant François Tanguy Prigent, décédé il y a 50 ans, fut le premier paysan authentique à avoir été nommé ministre de l’Agriculture. Il a sans doute été l’un des plus réformateurs avec Georges Monnet sous le Front populaire et Edgard Pisani au début des années 1960. En 1944, le général de Gaulle choisit ce petit paysan breton, né en 1909, titulaire du seul certificat d’études (mais premier de son canton), militant socialiste engagé très jeune en politique, au point qu’en 1934 il est élu conseiller général de Lanmeur, mais son élection est invalidée car il n’a pas 25 ans. En 1936, il est élu député. Benjamin de l’Assemblée nationale, il soutient Georges Monnet. En 1940, il fait partie des 80 députés qui refusent les pleins pouvoirs à Pétain, avant de coordonner les réseaux de résistance rurale dans les 19 départements de l’Ouest. Son courage séduit le général de Gaulle qui le nomme rue de Varenne, dans un contexte de pénuries et de marché noir, au point qu’il doit rétablir la carte du pain. Ce qui lui vaut ce surnom de Tanguy Prive Gens. Mais ce sobriquet ne saurait faire oublier la forte inspiration sociale de son action durant trois années passées rue de Varenne, lui qui voulait « abolir l’infériorité dont souffrent les paysans ».

A son bilan : les allocations familiales pour les familles paysannes et les premiers prêts d’installation pour les jeunes agriculteurs, un réforme du statut de la coopération, la création de l’INRA, du Fonds forestier national et des foyers ruraux. Et surtout le statut du fermage et du métayage, l’une des grandes réformes de la Libération, adopté à l’unanimité (fait rarissime !) à l’Assemblée nationale. Statut du fermage qui concerne aujourd’hui 75 % des terres cultivées et devrait ces prochains mois dans le cadre d’une nouvelle loi foncière être adapté au nouveau contexte, entre des bailleurs qui dénoncent le carcan du statut, des preneurs soucieux de sécurité, et une conception du sol considérée par beaucoup comme patrimoine commun de la Nation…